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Lalée PINONCELY
Fondatrice Adopte

Le télétravail au service de la RSE,  ou comment la transformation digitale peut refonder le lien entre l’entreprise et son environnement ?

La pandémie de COVID 19, conséquence directe du dérèglement climatique et des perturbations environnementales qu’il entraîne, n’a pas fini de nous surprendre — parfois pour le meilleur. Ainsi, elle a permis de voir se mettre en place, lors du premier confinement, le télétravail à grande échelle. Un événement qui a validé ce que tout le monde subodorait plus ou moins : le télétravail réduit clairement les émissions de C02 liées au transport. Mais il a d’autres effets, dont certains pourraient se révéler plus que positifs pour les entreprises.

En tout état de cause, cette période compliquée nous rappelle que, pour les entreprises, le premier bénéfice du télétravail reste la possibilité de maintenir une activité lorsque les circonstances empêchent un fonctionnement normal. À l’évidence, bon nombre de métiers ne sont pas et ne seront jamais « télétravaillables », mais dans une économie qui, en France, se fonde de plus en plus sur les services tertiaires, la proportion de missions qui peuvent être exercées en dehors du bureau se révèle importante. Cela a certainement contribué à limiter, pour nombre d’entreprises françaises, l’impact du confinement. Il faut d’ailleurs ici saluer la réactivité des entreprises, et notamment des dirigeants de PME, qui ont su, dans des conditions délicates, mettre en place en quelques semaines — voire en quelques jours — une nouvelle organisation du travail d’une ampleur inédite !

Le second des bénéfices a et est encore abondamment commenté. De fait, le confinement a entraîné l’arrêt quasi-total, du jour au lendemain, des transports publics et privés, ce qui a occasionné très rapidement une amélioration notable de la qualité de l’air. De là à envisager que le télétravail, qui limite inévitablement les déplacements en voiture, train ou avion, s’avère également un bénéfice environnemental, il n’y a qu’un pas. Ce pas, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (l’ADEME) n’hésite pas à le faire, mais elle modère d’emblée son propos : oui, le télétravail entraîne une baisse significative des émissions de CO2, mais il suscite malgré tout des effets induits qui diminuent son bénéfice environnemental d’un tiers, liés notamment à la forte augmentation des flux numériques (notamment la vidéo) ou à l’apparition de nouveaux déplacements potentiellement plus longs. Le bilan environnemental reste quand même positif, et peut être inscrit, avec la baisse de la pollution atmosphérique, à l’actif environnemental de l’entreprise, puis traduit concrètement dans son engagement RSE.

Ces effets sont concrets, directement observés et précisément chiffrés. Mais rien n’interdit d’imaginer quelles autres conséquences le télétravail pourrait entraîner à plus ou moins long terme. Et certaines d’entre elles pourraient bien offrir des perspectives étonnamment positives pour les entreprises.

Ainsi, la baisse inévitable de l’usage des surfaces de bureau s’accompagnera inévitablement du développement de la pratique du flex office (c’est-à-dire du bureau partagé entre plusieurs utilisateurs successifs) et de celle du coworking (location d’espaces de travail partagés). Ces nouveaux modes d’organisation entraîneront une diminution des surfaces de bureau, et donc une baisse importante des consommations énergétiques et « de bureau ». Certes, une part non négligeable d’entre elles, transférées au domicile du télétravailleur, resteront à la charge de l’employeur, mais le bilan, là aussi, pourrait bien se révéler intéressant pour les entreprises.

Reste la question légitime du management : comment manager une équipe qu’on ne voit plus ou presque, et que deviennent le lien social, l’émulation, l’esprit d’équipe que les managers s’évertuent à créer et à enrichir, et qui contribuent largement à l’efficacité économique ? Sur ce point également, une nouvelle façon d’envisager le travail pourrait se révéler plus positive que ce qu’on pense. Ainsi, le lieu de travail, dans l’avenir, pourrait ne plus être considéré comme un simple plateau de production, mais comme un espace créatif où l’on se rend une, deux ou trois par semaine pour y concentrer réunions, brainstorming et échanges d’expertise, le reste des tâches « techniques » pouvant sans dommage être exécuté à domicile ou en espace de coworking. Le but est de maintenir de véritables interactions entre les salariés, une émulation créative qu’on ne rencontre parfois qu’autour de la machine à café ou au bistro, après la journée de travail.

Ainsi, ce ne serait pas à une disparition des bureaux que l’on assisterait, mais à une mutation en profondeur de leur usage. De simples open spaces dédiés à la productivité, ils deviendraient des espaces collaboratifs dédiés à la co-création et à la créativité, et constitueraient ainsi la vitrine de l’entreprise, qui reste le symbole de sa culture.

Ce changement d’usage pourrait générer une nouvelle cartographie de la ville, qui ne s’articulerait pas en quartiers d’affaire et quartiers d’habitation, mais verrait disséminés un peu partout des espaces de travail modulables au cœur des zones résidentielles. Effet induit : les commerces de proximité pourraient bien refleurir dans les centres-villes. Résultat : diminution des déplacements chronophages (en France, les trajets domicile-travail dévorent deux semaines par personne et par an !), redécouverte de la marche à pied, relocalisation de l’activité. Encore un effet à mettre à l’actif de la RSE.

Même si la réalité de la crise sanitaire révèle également une vraie souffrance pour un certain nombre de télétravailleurs — notamment ceux qui travaillent de chez eux toute la semaine —, les dirigeants d’entreprise ne peuvent pas faire l’économie d’une réflexion autour des enjeux posés par cette évolution forcée et drastique de l’organisation du travail. Des enjeux qui présentent un lien fort avec la RSE.

Si la surconsommation énergétique reste, en effet, intrinsèque au développement du digital, ce dernier peut (et doit) se révéler un levier puissant pour modérer d’autres consommations, apporter du sens, de l’information, du pragmatisme, de l’efficacité. A l’exemple des réunions par visio-conférences, gourmandes en flux de données mais permettant d’éviter des déplacements énergivores, ou des applications de travail collaboratifs telles que Teams, qui font gagner un temps précieux tout en boostant la créativité.