delphine remy boutang jfd
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Delphine REMY BOUTANG, CEO The Bureau & JFD

Lalée Pinoncély : « Vous êtes la fondatrice de la Journée de la Femme Digitale (JFD). En 2020, vous avez lancé la campagne « 2120 : la parité n’attend pas!”. Et récemment, vous avez sorti le livre “Elles changent le monde”, mettant en avant le parcours de 60 femmes. D’où vient cet engagement si fort pour la parité ? »

Delphine Remy Boutang :  » Lorsque nous avons lancé la JFD, il y a 10 ans de cela, personne ne parlait des femmes qui excellaient dans le digital ou des difficultés auxquelles étaient confrontées les entrepreneures, dans la recherche de financement par exemple. Je me retrouvais la seule femme sur des panels pour parler de transformation digitale et on me regardait souvent avec de grands yeux lorsque j’abordais les déséquilibres entre les femmes et les hommes ou le manque d’inclusion dans le monde de la tech. Peu à peu nous sommes devenus un accélérateur de croissance internationale incontournable et avons mené des inivitaives fortes : Prix les Margaret, Fondation Margaret, Mouvement les chemises blanches, JFD Manifeste, la campagne “2120 : la parité n’attend pas”, la JFD GABON, le JFD Club, le livre “Elles changent le monde”, etc.  Le digital est présent dans tous les secteurs, toutes les industries et touche tous les métiers. Un risque majeur se profile en n’impliquant pas les femmes : priver l’économie et la société toute entière de leurs talents et de leur vision du monde.  Depuis 2012 avec la JFD, nous mobilisons acteurs économiques, médias, organisations privées et publiques pour soutenir et accompagner celles qui prennent des paris technologiques audacieux et misent sur des innovations de rupture pour changer le monde.  C’est en tant qu’accélérateur de croissance que la JFD fait émerger et rayonner des startups tech de femmes en Europe et en Afrique. Toutes nos actions s’inscrivent dans une envie farouche de sensibiliser le grand public aux opportunités qu’offrent la tech et l’innovation, de déconstruire les stéréotypes de genre et permettre au plus grand nombre de réussir. 

Lalée Pinoncély : « Avec 41% de femmes managers en 2020 contre 34% en 2015, il semblerait que la parité progresse dans le bon sens et qu’il y ait une vraie prise de conscience. Quel est votre point de vue sur l’évolution de la parité en France ? »

Delphine Remy Boutang : « La France est aujourd’hui un exemple mondial de progrès sur la féminisation des conseils d’administration et ce n’est pas par hasard. C’est bien par la mise en place de la loi Copé-Zimmermann qui prévoit des sanctions contraignantes en cas de non-respect du quota de 40 %. Ces sanctions touchent le fonctionnement, l’économie et le déploiement des stratégies de développement de l’entreprise, ce que n’a pas su faire l’Index de l’égalité professionnelle mis en place graduellement depuis 2019.  D’après notre enquête JFD menée par BVA en partenariat avec Madame Figaro (Mars 2022), aujourd’hui 83% des Français ne perçoivent pas le digital comme un environnement genré et 91% des hommes (85% pour les femmes) encourageraient leur fille à y travailler. C’est la première fois que se manifeste un tel optimisme de la volonté ! En 10 ans, nous avons réussi à lever les a priori sur les métiers du digital, mais l’égalité en matière de financement entre les femmes et les hommes reste le verrou à faire sauter.   J’ai la conviction que la solution passe par un double choc : sociétal et législatif.  

Lalée Pinoncély : « Si la parité gagne du terrain au sein des grands groupes, qu’en est-il des PME ? Quelles actions simples peuvent-elles mettre en place pour intégrer la parité au sein de leur organisation ? »

Delphine Remy Boutang :  » En novembre 2020, j’ai proposé trois grandes mesures au cabinet d’Elisabeth Moreno, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Egalité des chances. Ces propositions avaient pour but de faire progresser la parité aussi bien dans les grands groupes que dans les PME à travers des leviers efficaces et complémentaires qui conjuguent transformation des comportements inspiré de la technique du “nudge” (coup de pouce en français) et impact économique. Méritocratie et exemplarité au service de l’égalité.  J’ai donc proposé un allègement fiscal aux grands groupes qui respectent un quota de 50% de membres de chaque sexe au sein des conseils d’administration et des conseils de surveillance des entreprises. Un allègement qui s’étendra aux PME ayant obtenu un score de 100/100 à l’index égalité professionnelle F/H.  Par ailleurs, je trouve que les pénalités imposées par l’Index ne suffisent pas. J’ai proposé l’introduction d’une taxe sur le profit annuel des entreprises non conformes. Cette taxe égalité sera reversée au profit d’un fonds pour l’égalité des chances en entreprise.  Le fonds financé par la taxe égalité aura pour objectif de soutenir les initiatives de plus d’un an favorisant tous les projets servant à réduire les inégalités entre les femmes et les hommes en entreprise.  Aussi, je pense que la transmission est importante. Les mentalités changent et de plus en plus d’entrepreneurs passent la main aux femmes. C’est un signal faible qu’il faut encourager et qui prouve que nous sommes sur la bonne voie. 

crédit photo François Tancré