Lalée PINONCELY

Encensé par les uns, dézingué par d’autres, et incompréhensible pour beaucoup, le métavers — et sa cohorte de cryptomonnaies, de blockchain, de NFT et autres univers aussi virtuels qu’intimidants — fait actuellement couler beaucoup d’encre dans les médias, et clignoter beaucoup de pixels sur nos écrans. Un enjeu de simplification évident, dont s’est emparée Lalée Pinoncely, créatrice de la plateforme Adopte, au profit des responsables d’entreprises qui pourraient peut-être voir dans cette 3e (r)évolution numérique de nouvelles opportunités.

Mais c’est quoi, un métavers ?

Un repaire de geeks hirsutes dopés au code HTML ? Un improbable délire numérique de startupers à la recherche d’une formule magique susceptibles de les transformer en licorne ? Ou bien l’inéluctable et prévisible évolution du Net ?

Difficile de s’y retrouver quand on est, comme l’immense majorité des internautes, un utilisateur lambda — ce que sont, en fin de compte, les entrepreneurs. C’est-à-dire un utilisateur dont les deux pieds sont solidement ancrés dans un monde réel déjà bien compliqué, et la tête remplie de projets non moins réels, mais tellement « neurophages »…

Quelques éléments de réponse, qui en fait n’apportent pas vraiment de réponses, mais aideront — c’est notre ambition pour l’heure — à se poser les bonnes questions…

De web en web

Le Web3, c’est assez simple. Après le Web1.0, dont les contenus affichés restent totalement statiques — l’internaute peut lire, mais ne peut faire que ça —, le Web2.0 apparait comme une révolution : les contenus des sites sont dynamiques et évoluent non seulement au gré des mises à jour du site internet, mais également en fonction des préférences de l’internaute. Ce dernier peut lire, mais aussi écrire, commenter, noter. C’est l’avènement des réseaux sociaux, du commerce en ligne.

Le Web3 (non, on ne dit pas « 3.0 », cette fois) apparait dès lors comme une inéluctable mutation d’internet qui l’emmène vers ce que l’univers capitalistique sait faire le mieux : du business. Dans le Web3, en effet, l’internaute peut monétiser, posséder, échanger. On entre dans l’ère de la blockchain, des cryptoactifs, des NFT, des applications décentralisées et des métavers.

La blockchain : une base de données, mais en mieux

La blockchain, justement. Là aussi, une explication s’impose. La blockchain, c’est en fait un réseau composé d’un très grand nombre d’ordinateurs connectés les uns aux autres pour former une sorte de système de gestion de bases de données. À la différence d’une base de données classique, stockée sur un serveur centralisé auquel se connectent les utilisateurs, les informations gérées par la blockchain sont hébergées par tous les ordinateurs du réseau, lesquels sont connectés les uns aux autres en temps réel et autosynchronisés : les données sont sans cesse vérifiées et comparées (c’est le « minage ») par tous les utilisateurs, de manière totalement décentralisée et transparente, ce qui garantit leur authenticité, sans aucune possibilité de falsification ni de prise de contrôle.

Le terme « cryptoactif » désigne, pour sa part, une monnaie virtuelle : bitcoin, ethereum et autres uniswap sont des cryptoactifs. Le terme « monnaie » qui leur est appliqué reste un peu abusif dans la mesure où, économiquement et juridiquement, ces unités de valeur ne remplissent que partiellement le rôle d’une monnaie. Il n’en reste pas moins vrai que les cryptoactifs, comme les monnaies classiques, servent de moyens de paiement et font l’objet d’une intense spéculation. Ces transactions se déroulent par l’intermédiaire de la blockchain, ce qui leur assure sécurité, transparence et certification sans recourir à un tiers de confiance tel qu’une banque.

Les NFT : des certificats de propriété virtuels au service du réel ?

Les NFT (Non fungible tokens : jetons non fongibles) sont une des applications qui utilisent la blockchain. Il s’agit ni plus ni moins de certificats de propriété numérique, traçables, inscrits dans la blockchain, et donc infalsifiables, car en permanence authentifiés et vérifiés. Non fongibles, ils ne sont pas interchangeables (chaque NFT possède des caractéristiques spécifiques qui le rendent unique), mais peuvent être librement, vendus. Les utilisateurs du Web3 s’en servent pour authentifier la propriété d’objets numériques, comme par exemple l’avatar des joueurs en ligne (le personnage qui les représente dans le jeu) ou même des œuvres d’art numériques. Des expérimentations sont également en cours pour garantir, à travers les NFT, la traçabilité ou l’authenticité de certains produits physiques, notamment dans le cadre de la lutte contre la contrefaçon.

Le métavers : un espace numérique avant tout ludique, mais…

Enfin, le métavers. Il s’agit tout simplement d’un univers virtuel dans lequel les utilisateurs peuvent interagir entre eux. Les premiers de ces univers sont apparus dans les jeux en ligne multi-joueurs, tels que Minecraft (interrogez vos enfants ;-)) : le joueur est immergé dans un monde qu’il doit construire lui-même (c’est le principe du bac à sable). Si ces univers — notamment en matière de jeux en ligne — se présentent souvent en 3D ou en réalité virtuelle, ce n’est pas une obligation. De même, un métavers peut inclure, ou pas, une économie monétisée. Si c’est le cas, cette économie peut recourir à la blockchain, mais aussi passer par des modes de transaction classiques (cartes bancaires par exemple).

Initialement plutôt ludiques, avec une orientation vers le jeu et le spectacle, les métavers sont encore plus ou moins au stade expérimental, et n’ont pas encore réellement trouvé leur modèle. C’est la raison pour laquelle certaines marques y investissent, concrètement mais raisonnablement, et principalement parce que cela sert leur image de marque. Ainsi, Carrefour vient d’acquérir une parcelle dans le métavers The SandBox. Le PDG Alexandre Bompard confirme l’information, qu’il justifie en avançant que « l’innovation est au cœur de notre modèle », mais ne révèle pas ce qu’il compte faire de ce terrain à bâtir composé de pixels…

D’autres marques telles que Givenchy ou Dior investissent également les métavers, pour y proposer — pour l’heure — de simples tampons sur le visage des avatars, voire des « skins » (habillage de l’avatar) griffés, mais réfléchissent à propulser leurs produits au-delà, avec par exemple des parfums purement numériques, qu’on ne « sentirait » donc pas avec le nez, mais que l’on pourrait « ressentir » par d’autres voies… La marque de luxe Hermès ambitionne de se lancer dans le métavers estimant que les mondes virtuels sont d’excellents moyens de communication. Axel Dumas se dit « curieux et intéressé » sans développer plus ses ambitions (peut être créer des boutiques virtuelles ou vendre des biens virtuels pour les avatars ou tout simplement fédérer sa communauté ?)

Le lièvre, la tortue… et le métavers

On le voit, le Web3 avance, à pas relativement grands, mais il cherche encore sa voie, son modèle. Même si certains de ses aspects sont aujourd’hui solidement inscrits dans le paysage. Les échanges économiques de cryptoactifs portent sur des sommes conséquentes, et une véritable spéculation se met en place autour des monnaies virtuelles. Et de grandes marques, réputées pour leur sérieux, investissent parfois lourdement dans les mondes virtuels.

Mais il semble bien qu’on en soit encore au stade de la recherche et de l’expérimentation. Quelques désillusions risquent de survenir, à l’image de la culbute espérée par l’acheteur du NFT de la capture d’écran du 1er tweet de l’histoire, acquise pour un peu moins de 3 millions d’euros, dont il espérait près de 50 millions d’euros à la revente. À l’heure où ces lignes sont écrites, la meilleure offre n’atteint pas 30 000 euros…

Les dirigeants de PME, loin de ces mondes virtuels et bien ancrés dans le réel, devraient cependant s’éveiller à ces problématiques spécifiques, les surveiller du coin de l’œil, comprendre le fonctionnement de concepts aussi révolutionnaires pour eux que les premiers mails ont pu l’être pour nos grands-parents. L’entrepreneur clairvoyant aura à cœur de se remémorer l’aventure — virtuelle — survenue au lièvre de la fable : rien ne sert de courir…

Quelques dates…

Quelques exemples très concrets lis à jour régulièrement…

AXA : François Pannecoucke dirige une agence physique à Bully-les-Mines, dans le nord de la France. Mais il vient aussi d’en ouvrir une virtuelle dans le métavers, où il accueille clients et prospects. Un moyen selon lui d’enrichir la relation client, alors que le groupe AXA tente d’initier plus largement ses salariés à ce nouvel univers. Des bureaux, une salle de réunion, une salle d’attente avec canapés et plantes vertes : l’endroit se veut accueillant et conforme à une agence physique, à l’exception d’une voiture qui trône dans l’entrée…. Pour François Pannecoucke, le metavers est un outil supplémentaire pour répondre à ses clients en plus ludique. Ce qui est amusant c’est qu’il touche une autre clientèle, plus adeptes des nouvelles technologie.

NIKE : La marque de sport a acheter la start-up RTFKT qui conçoit principalement des produits virtuels. Fondée en 2020 RTFKT est une société née sur le metaverse. Elle créé des baskets et des artefacts virtuels à l’aide des NFT, ces objets numériques certifiés par la blockchain. Aujourd’hui un joueur peut voir son avatar porter des baskets virtuelles et recevoir les mêmes dans la vie réelle