marie doha besancenot

Marie Doha BESANCENOT

Part 2 : Marie Doha BESANCENOT répond aux questions posées par Lalée PINONCELY

Deuxième partie de son interview (Lire la première partie)

Lalée Pinoncely : Au niveau de la performance des entreprises, êtes-vous convaincue que la RSE constitue un moteur ?

Marie-Doha Besancenot : Absolument, pour plusieurs raisons.

La première c’est la qualité de l’engagement qui en découle. De mes 10 ans dans le service public, je garde la conviction que la question du sens, de l’engagement, est clé dans tout travail. À une époque de contraintes financières fortes, où tous les leviers d’engagement ne sont pas à disposition, celui de la fierté d’appartenance et de l’utilité sociale est décisif- ne serait-ce que pour conserver les talents. La RSE est devenu le sujet phare de la marque employeur.

Le deuxième grand argument en faveur de la RSE, c’est celui de la résilience. Les études montrent qu’une entreprise engagée dans une démarche RSE à 360° s’est dotée d’une vision globale de ses risques et a de grandes chances de traverser les crises en étant plus stable.

Enfin, le troisième vecteur de performance de la RSE, c’est l’innovation. Une nouvelle source d’opportunités qui va de l’économie circulaire à la R&D autour des nouvelles mobilités, en passant par toute une économie hybride, celle de l’« économie sociale et solidaire » ou de l’ « impact positif » dont se réclament une grande partie des start ups des années 2020.

Quel que soit son secteur, avoir un positionnement pionnier sur des évolutions technologiques qui intègrent une contribution au bien commun, c’est extrêmement porteur. C’est vrai aussi pour un grand groupe comme Allianz, première marque d’assurance mondiale depuis maintenant deux ans, une performance portée en partie par un positionnement ambitieux et courageux sur les sujets RSE.

Lalée Pinoncely : Le feuilleton Danone a montré que la RSE peut faire face à certaines résistances. Ces dernières constituent-elles une limite infranchissable à une contribution réelle et pérenne des entreprises aux enjeux du développement durable ?

Marie-Doha Besancenot : C’est un sujet consubstantiel à la RSE. On ne va pas se mentir : il y a toujours un coût d’entrée parce que c’est une nouvelle manière de faire, une nouvelle contrainte que l’on s’impose. Il faut considérer la RSE comme un sujet de transformation. L’histoire de Danone est une leçon d’équilibre et de rythme. Le maître mot de la RSE, c’est « l’intégration » …dans les métiers, dans les lignes de business, dans les réseaux de distribution, dans les produits, dans la culture d’entreprise. Il faut la voir comme une transformation globale. C’est ce que nous avons initié chez Allianz France, en esquissant le passage virage d’une approche ciblée sur 14 « produits verts » à une approche radicalement différente qui ambitionne de labeliser l’ensemble de nos produits comme « RSE by design ». Concrètement, tout le parcours de la vie du produit doit refléter cette préoccupation RSE. Cela implique un vrai travail collectif de mise en œuvre.

A chaque entreprise son propre rythme d’« intégration » de la RSE, jusqu’à trouver ce nouvel équilibre qui inclue performance financière et, désormais, performance extra-financière. Cela recouvre des éléments de performance diversement quantifiables aujourd’hui, qui vont de l’empreinte carbone à la satisfaction des collaborateurs. Quelle est la part de la RSE dans la performance globale de l’entreprise ? On lit des estimations situées entre 5 et 20%. Quoi qu’il en soit, la seule certitude est qu’une nouvelle façon de définir la rentabilité s’est imposée. Elle inclut la capacité à maîtriser l’ensemble des risques réputationnels et financiers associés à la RSE. C’est ce que matérialise la généralisation des « rapports intégrés », qui fusionnent rapport financier et rapport RSE/rapport climat, avec des volets RSE chargés de témoigner de la qualité du pilotage des trajectoires RSE couvrant la consommation d’énergie et de papier, l’accompagnement des nouvelles formes de mobilité etc.. auxquelles s’ajoutent des indicateurs de progrès relatifs à l’égalité salariale, la mixité, la diversité, l’intégration des handicaps, de l’aidance…

Lalée Pinoncely : Combien de temps est-ce que cela doit prendre ?

Marie-Doha Besancenot : Il faut se dire que ce n’est pas une opération commerciale à court terme. Mais qu’il faut quand même engager le virage maintenant pour ne pas se faire doubler ou pire, se retrouver seul avec des pratiques d’un autre âge. S’il y a un coût d’entrée, la puissance d’engagement qui accompagne les sujets RSE est telle qu’on en retire vite des bénéfices en se démarquant aux yeux de ses clients, et en motivant ses collaborateurs en réveillant en eux l’envie de faire leur métier dans un souci d’utilité sociale/ d’impact positif.

Pour ceux qui porteront cette transformation RSE dans une PME, cela implique un investissement personnel fort pour réussir l’acculturation à 360°.

Et puis il faut se préparer au signe ultime d’une intégration réussie de la RSE dans les métiers…qui est la dispersion des responsabilités RSE ! Chez Allianz, nous avons intégré la RSE au cœur du plan stratégique, les sujets environnementaux et humains représentent un tiers du plan stratégique : cette place privilégiée signifie aussi un partage des responsabilités intégré dans chacun des métiers ..et donc plus l’apanage de la seule direction RSE.

Lalée Pinoncely : Quelles sont vos sources d’inspiration en matière de RSE ?

Marie-Doha Besancenot : Ce qui m’inspire au quotidien, c’est l’actualité sociale et politique du pays dans lequel je vis et de l’Union Européenne dans laquelle je travaille ; c’est de ne pas vivre l’entreprise comme un vase clos, mais comme un dialogue avec le monde extérieur, avec des sujets que l’on importe en temps réel dans l’entreprise, de manière non clivante bien sûr. Venant du service public, cette révolution de la RSE, je la vis vraiment comme la rencontre réussie du citoyen et de l’employé. Les entreprises ont tout à y gagner, quelle que soit leur taille. L’entreprise peut être le cadre de très beaux exercices d’intelligence collective, qui sont aussi des formes de démocratie participative. Chez Allianz France par exemple, nous avons tout simplement donné la parole aux collaborateurs pour être certains de ne pas passer à côté de leurs attentes sur les priorités RSE. Dès 2017, nous avions organisé un hackathon sur la RSE en demandant à nos collaborateurs quels étaient les projets les plus importants à leurs yeux. Fin 2020, nous avons réitéré avec plus de 300 collaborateurs et une trentaine de thématiques. Il en sort des idées que l’on n’avait pas forcément imaginées. Cela nous aide à valider le fait que l’on ne fait pas fausse route sur un sujet qui demanderait beaucoup d’efforts et qui, au final, importerait peu au collectif. En bref, cela rassemble autour de valeurs communes et cela rassure sur le fait que les regards vont dans la même direction !