marie doha besancenot

Marie Doha BESANCENOT

Part 1 : Marie Doha BESANCENOT répond aux questions posées par Lalée PINONCELY

Si, aujourd’hui, beaucoup de grandes entreprises ont pris la mesure de leurs rôles et de leurs responsabilités vis-à-vis de la société et de l’environnement, l’idée d’inclure la RSE dans leurs stratégies et leurs produits reste encore souvent une vue de l’esprit pour les PME, qui la voient plus comme un nouvel ensemble de contraintes et de coûts que comme un potentiel avantage concurrentiel. La directrice Communication Marque et RSE d’Allianz France, Marie-Doha Besancenot, interrogée par Adopte, estime qu’il s’agit d’un travail de fond qui doit irriguer toutes les strates de l’entreprise, jusqu’à devenir une seconde nature.

Lalée Pinoncely : Allianz mène de nombreuses actions RSE, qui sont simples, concrètes et efficaces. Pouvez-vous préciser comment cela se passe sur le terrain, quelles questions cela pose et quelles réticences vous rencontrez ?

Marie-Doha Besancenot : Si on prend le sujet sous l’angle « terrain », le timing est intéressant ! Si m’aviez interrogée avant la crise du COVID, je vous aurais répondu qu’au-delà d’une réception franchement positive de la part de certains acteurs de terrain -les agents généraux principalement, chez Allianz-, ces derniers avaient du mal à faire une place prioritaire à la RSE dans leur quotidien. Depuis la crise sanitaire, les choses ont changé : ils ont désormais vraiment envie de s’engager et l’avantage concurrentiel qu’elle représente est bien compris. Aujourd’hui, la RSE est sur le dessus de la pile, la question est plutôt : comment la décliner en offres et services pour le client ? C’est un défi très motivant que l’entreprise partage directement avec ses acteurs dans les territoires.

Lalée Pinoncely : Parmi ces actions, pouvez-vous évoquer celles qui, selon vous, sont représentatives d’une politique RSE en entreprise ? Quelles sont celles que l’on devrait retrouver dans toutes les entreprises ?

Marie-Doha Besancenot : Un volet très important concerne ses activités d’investisseur. L’intégration systématique des critères ESG (Environnementaux, Sociétaux et relatifs à la Gouvernance) dans notre politique d’investissement nous permet d’avoir un fort impact puisque nous choisissons quelles entreprises et projets seront financés avec les primes des assurés. Ce faisant, nous misons sur des technologies nouvelles et des projets durables, que nous aidons à se développer. Nous incitons aussi certaines entreprises à infléchir leur business model pour être plus durables contre la promesse d’un investissement ; c’est une façon efficace et engagée de faire évoluer le marché. Pour une PME aujourd’hui, c’est important de savoir qu’elle sera jugée aussi sur ces critères.

Pour fixer les priorités de sa politique RSE, je dirais que chaque démarche singulière commence par l’écoute de ses parties prenantes : ses employés, ses partenaires, ses prestataires, ses clients et plus largement, la société civile. Quelles sont leurs attentes et comment les associer ?

La politique RSE pour être visible doit se traduire dans des produits et services à dimension « responsable », c’est-à-dire dotés de caractéristiques qui les distinguent pour leur impact positif. Cela peut commencer par quelques produits spécialement conçus, pour lesquels on est capables d’expliquer en quoi ils sont un peu plus « responsables » qu’un autre, grâce à un procédé de fabrication vertueux, à l’usage du réemploi ou du recyclage, à une vraie accessibilité tarifaire, à une dimension éthique ou équitable, etc.

La politique « d’engagement collaborateurs » est en partie liée à cette offre, motivante pour les salariés. Pour être complète, elle s’accompagne de propositions dédiées aux employés, qui leur donnent la possibilité d’ajouter leurs engagements individuels aux engagements collectifs de l’entreprise.

Lalée Pinoncely : Avez-vous créé un référentiel spécifique pour parler à vos agents ?

Marie-Doha Besancenot : Oui. Nous avons commencé par des mesures de pédagogie autour de la RSE, parce que si les grands groupes sont habitués à traiter de sujets RSE par de nombreux biais (conformité, réglementaire, risques, RH..), ce n’est pas forcément le cas des plus petites entreprises. Nous avons donc mis en place un e-learning dédié, qui présente l’attractivité de la RSE pour le client. L’approche est résolument business, et il s’agit de prendre la RSE comme un vecteur d’innovation et non seulement une liste de contraintes nouvelles qui viendrait compliquer l’exercice du métier de chacun. L’objet du e-learning était de sensibiliser à ces opportunités qui accompagnaient l’économie de la RSE, et de partager ce qui est le nouvel horizon d’attentes des clients.

La deuxième étape a été de donner à nos agents généraux les moyens d’établir un autodiagnostic de leur performance RSE. Nous avons créé une grille sur la base de la grille de l’AFNOR dédiée aux autoentrepreneurs, que nous avons complètement réécrite pour qu’elle puisse correspondre au business model d’un agent avec deux ou trois collaborateurs/trices. Cette grille comportait une trentaine de critères répartis en ESG (Environnement, Social et Gouvernance), et présentait de nombreux exemples destinés à faire échos à leur quotidien.

L’objectif était de leur faire prendre conscience du fait que beaucoup de bonnes pratiques existantes relevaient déjà de la RSE, bien qu’elles n’en portent pas le nom.

Enfin, nous avons voulu que cette démarche soit accessible aussi financièrement. Une certification individuelle vaut autour de 1000 euros, l’AFNOR nous a permis de proposer un tarif Allianz autour de 400 €, et Allianz a voulu aller encore plus loin en finançant les premières centaines de certifications RSE pour ses agents généraux.

Si les résultats sont probants, on voit que cela relève encore beaucoup de la conviction personnelle ; on le voit dans la fierté de ceux qui ont obtenu la certification RSE, et qui n’hésitent pas à le partager sur les réseaux sociaux pour créer une saine émulation !

Au final, la crise sanitaire a agi comme un facilitateur sur ces sujets. Parce que beaucoup d’acteurs de l’assurance et de la mutualité se sont positionnés sur les thèmes de la solidarité, de la justice sociale, du juste prix, les solutions propres à la RSE se sont imposées comme des atouts pour ceux qui font l’effort d’aller les saisir.

Lalée Pinoncely : Vous avez dit que les clients étaient de plus en plus demandeurs de RSE. Cela se constate de quelle manière ? Cela se mesure comment ?

Marie-Doha Besancenot : C’est une vraie question. Plusieurs ONG se sont penchées sur la question : les agents généraux et les commerciaux savent-ils répondre de façon détaillée à un client qui viendrait demander « un produit responsable » ? La situation est-elle courante… ou encore toute spéculative ? Quoi qu’il en soit, il suffit de se dire que la RSE est devenue un sujet suffisamment concurrentiel pour qu’il existe un vrai risque à ne pas en être, ou pas assez vite, ou pas assez visiblement. Nul ne souhaite s’exposer à un concurrent qui offrirait un produit présenté comme ultra-responsable, qui coûterait le même prix avec un atout « durable » en plus, et n’avoir rien à proposer.

Lalée Pinoncely : Il semble bien que les banques s’y mettent aussi…

Marie-Doha Besancenot : L’épargne responsable c’est un sujet majeur après le Covid ; l’épargne des français est devenue un sujet de convoitise ! La loi PACTE avait préparé le terrain dès 2017, avec son objectif de réorientation de l’épargne vers ce qu’on a appelé « l’économie réelle ». L’Union européenne a fait un pas décisif avec son Green Deal qui embarque tous les acteurs de la finance européens dans un but unique : réorienter les flux de capitaux vers les activités durables. Créer un marché européen autour de standards qui intègrent ces notions de durabilité, c’est acculturer ses consommateurs à des pratiques commerciales européennes différenciantes par leur approche éthique. C’est préparer l’avenir d’un marché de consommateurs fidèles à des valeurs et une façon équitable de commercer. Pour cette raison, les banques et les sociétés d’assurances sont des parties prenantes très engagées.